Page:Ampère - L’histoire romaine à Rome, tome 2.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prêtés et que ne dément nul témoignage, cette exagération, si on veut l’admettre, prouve la vivacité des sentiments populaires, comme l’absence de témoignages contradictoires prouve leur unanimité. D’ailleurs, la constitution de Servius, qui ne tenait nul compte de la race, fut rétablie par la classe et la race victorieuses.

J’accorderai que l’aristocratie fut dure et superbe comme le roi qu’elle remplaçait ; cela n’empêche pas que ce roi l’ait été, et il n’en est pas moins vrai que Rome gagna beaucoup au changement, car elle y gagna la liberté.

Tout vaut mieux que le pouvoir absolu d’un seul. C’est tant qu’il dure un mal sans remède et sans espérance ; avec la liberté, il y a toujours possibilité de remède et motif d’espérance.

Contre le pouvoir absolu d’un seul, on ne saurait lutter ; on peut lutter contre les privilèges et l’orgueil d’une aristocratie. Or c’est la lutte plus encore peut-être que le triomphe qui est bonne pour développer l’énergie morale d’un peuple ; et ce qui fait la valeur d’un État politique, c’est, avant tout, le développement de cette énergie.

La meilleure condition pour un peuple, c’est peut-être d’avoir à combattre une aristocratie sans la détruire. Telle fut durant ses plus beaux siècles la condition de la république romaine, telle a été jusqu’à ce jour la condition de l’Angleterre.