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Tout le monde sait la réponse muette que fit celui-ci au messager de son fils, qui lui demandait un conseil, se contentant d’abattre sous les yeux du messager des têtes de pavots. Sextus comprit d’autant mieux que les têtes de pavots étaient un des objets par lesquels l’adoucissement de la religion avait remplacé les victimes humaines, et il fit tomber les têtes des principaux habitants de Gabie. Cette politique scélérate n’étonne point venant du meurtrier de Servius et de l’auteur de la mort de Lucrèce, mais il faut reconnaître que le stratagème employé par Sextus pour s’introduire dans Gabie rappelle celui de Zopire pour pénétrer dans Babylone[1], et l’apologue des têtes de pavots abattues, un conseil du même genre donné par Thrasibule, tyran de Milet à Périandre, tyran de Corinthe[2] ; peut-être ces deux faits ont-ils passé de la légende grecque dans la légende romaine, si elles ne remontent toutes deux à une légende commune et plus ancienne à une légende pélasge. Mais de ce que la tradition place un événement en deux endroits, il ne s’ensuit point que cet événement ne se soit passé nulle part. De ce qu’un jour Servius jeta, dit-on, un drapeau dans les rangs ennemis pour que ses soldats allassent l’y chercher, il ne s’ensuit point que le grand Condé n’ait pas jeté son bâton dans les lignes de Fribourg.

  1. Herodot., III, 154.
  2. Id., V, 96.