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fusion que j’explique dans une note, on ait appelé a tort Temple de la Fortune virile un temple qu’on croyait à tort celui de la Fortune hasardeuse. La fête de la Fortune virile, qui se célébrait au mois d’avril, n’avait rien à démêler avec celle des deux Fortunes auxquelles Servius passait pour avoir élevé des temples, et qui, l’une et l’autre, avaient leur fête en juin.

C’étaient les femmes qui honoraient la Fortune virile d’après un rite assez singulier. Elles s’enfermaient dans une salle échauffée par des tuyaux à vapeur[1], disposition connue des Romains, et qu’on remarque dans ce qui reste d’une chambre de la maison de

    la Fortune courageuse, virile. Cette dénomination de temple de la Fortune virile, ainsi appliquée, bien qu’elle ait cours parmi les guides et les voyageurs, renferme une confusion topographique et un contre-sens grammatical. Le temple attribué à Servius sur la rive gauche, dans le marché aux bœufs, n’a jamais été dédié à Fors Fortuna ; même en admettant l’interprétation vicieuse de Fortune virile qu’ont adoptée Denys d’Halicarnasse et Plutarque, on ne pourrait en faire le nom de ce temple.

  1. Ov., Fast., IV, 146. « Calidâ qui locus humet aquâ » se peut entendre ainsi. Il se peut aussi que ce lieu, humide par l’eau chaude, désigne une localité particulière de Rome, celle où se trouvaient les eaux chaudes appelées Lautolæ ; car précisément de ce côté (Beck., haudb., I, p. 561) était un temple de la Fortune, élevé, disait-on, par Servius Tullius. (Pl., Hist. nat., XXXVI, 46.) Cette Fortune s’appelait Seia, ce qui vient de serere, semer, comme Segetia, autre nom de la Fortune, de seges, moisson. Peut-être l’usage singulier de cette offrande, faite à la déesse par des femmes nues dans une étuve artificielle ou naturelle, se rattachait-il dans l’origine à des vœux pour la fécondité adressés à la Fortune mère, déesse antique des Pélasges, devenue la Fortuna Seia.