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Or les eaux du Tibre ne sont pas blanchâtres, mais jaunâtres. Sur ce point le témoignage de nos yeux est d’accord avec celui des poètes de l’empire : Horace[1], Virgile[2], Ovide[3], disent que le Tibre est jaune. Il n’en est pas de même pour le nom primitif du fleuve, Albula : une telle dénomination n’est pas d’accord avec ce que nous voyons. On sait précisément ce que les anciens entendaient par ce mot Albula : ils s’en servent constamment pour designer les eaux sulfureuses. Virgile a dit :


Sulfurâ Nar albus aquâ[4]

(Virg. Æn., vii, 517.)

« Le Nar dont l’eau sulfureuse est blanche. »

Les eaux des petits lacs sulfureux près de Tivoli s’appelaient, comme les autres de même espèce, Albulæ.

On doit donc penser que le Tibre a changé de couleur depuis les temps primitifs, qu’il était blanchâtre quand il s’appelait Albula, et voir, dans ce nom qu’il a

  1. Hor., Carm., i, 2, 13.
  2. Virg., Æn., vii, 31.
  3. Ov., Met., xiv, 216. Ces deux derniers poëtes, qui parlent, du sable jaune que te Tibre entraîne, indiquent la cause de la couleur de ses eaux.
  4. Nar était un mot sabin qui voulait dire soufre. Cette rivière s’appelle la Niera ; ce nom ne vient pas de nero, noir, mais de nar. La Nera a pu être blanchâtre,
    jamais noire. À cause de sa blancheur, plus grande par moment, on croyait qu’elle avait roulé des flots de lait. (Tit. Liv., xxxiv, 45.)