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On assembla un conseil de douze anciennes religieuses ; j’étais du nombre. La prieure peignit de couleurs exagérées les torts d’Agnès, et n’eut pas de scrupule de remettre en vigueur cette loi presqu’oubliée. Je dois le dire à la honte de notre sexe : le pouvoir de l’abbesse était si absolu dans le couvent, et le malheur, la solitude et les austérités avaient tellement endurci les cœurs de nos anciennes et aigri leur caractère, que cette barbare proposition obtint neuf voix sur douze. Je n’étais pas une des neuf ; j’avais eu de fréquentes occasions de me convaincre des vertus d’Agnès ; j’avais pour elle un tendre attachement ; je compatissais à sa faiblesse et j’avais pitié de son malheur. Les mères Berthe et Concilie se mirent de mon côté ; nous fîmes la plus forte opposition, et la supérieure se trouva forcée de changer de projet ; quoique la majorité fût de son avis, elle craignit de braver le nôtre ouvertement ; elle savait que, soutenues par la famille de Medina, nous serions assez fortes pour l’emporter ; elle n’ignorait pas non plus que c’en serait fait d’elle si Agnès, une fois enfermée et crue morte, venait à être découverte ; elle renonça donc, quoiqu’avec beaucoup de répugnance, à son dessein. Elle demanda