Page:Amours, galanteries, intrigues, ruses et crimes des capucins et des religieuses, 1788.djvu/422

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 102 —


au-devant d’elle. Ainsi je passai une heure entière, dont les moments me parurent autant de siècles. L’horloge du château sonna enfin minuit, et après un quart-d’heure passé dans les mêmes transes, j’entendis enfin le pied léger d’Agnès qui s’approchait avec beaucoup de précaution. Elle parut ; je la conduisis à un siége, et là, me jetant à ses pieds, je lui exprimai toute ma reconnaissance.

— Nous n’avons pas de temps à perdre, Alphonso, dit-elle en m’interrompant, les moments sont précieux ; je ne suis plus à la vérité consignée dans ma chambre, mais Cunégonde épie toutes mes démarches. Un express est arrivé de la part de mon père ; je dois partir incessamment pour Madrid, et c’est avec beaucoup de peine que j’ai obtenu une semaine de délai. La superstition de mes parents, soutenue par les représentations de ma cruelle tante, ne me laisse aucun espoir de parvenir à les fléchir. J’ai donc résolu dans cette alternative de me confier à votre honneur ; fasse le ciel que je n’aie jamais lieu de me repentir de ma résolution ! La fuite est mon unique ressource pour me sauver des horreurs de l’esclavage monastique, et l’imminence du danger doit faire excuser mon imprudence.