tout le château retentit de ses serments, de ses
exécrations ; un moment après elle récite des paternotres.
Après avoir proféré en hurlant les plus
horribles blasphèmes, tout-à-coup elle chante le
de profundis aussi méthodiquement que si elle
était encore au chœur. C’est, en un mot, une dame
fort capricieuse ; mais soit qu’elle prie, soit qu’elle
maudisse, qu’elle se montre impie ou dévote, elle
épouvante également ses auditeurs. Le château
devint presqu’inhabitable, et celui qui en était
possesseur fut tellement effrayé de ces visites nocturnes,
qu’un beau matin on le trouva mort dans
son lit. Ce succès parut faire beaucoup de plaisir
à la nonne ; car elle fit alors plus de tapage que
jamais. Mais le nouveau baron, successeur du défunt,
se montra un peu trop fin pour elle ; il ne
parut au château qu’accompagné d’un célèbre
exorciseur de ses amis, qui osa s’enfermer lui-même
une nuit entière dans la chambre habitée
par l’effrayante religieuse. Il paraît qu’il y eut entre
elle et lui de vifs débats ; il paraît même que
l’exorciseur eut beaucoup d’ascendant sur elle ;
que si elle montra de l’obstination, son antagoniste
en montra encore plus ; car il obtint par accommodement
que, si on laissait à sa disposition le lo-
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