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traitement que l’on m’avait fait subir. Je gardai un air fier qui confirma cette pensée. J’assistai comme les autres à l’office ; toutes mes compagnes communièrent, moi je ne communiai pas ; et à dire vrai, je m’étais mise au-dessus de la honte de suivre leur exemple. L’amour dissipe bien des préjugés ; la présence de mon petit amant, que je voyais rôder dans l’église, me dédommageait assez ; plus d’une, parmi mes compagnes, aurait bien quitté au même prix la nourriture spirituelle où elles couraient.

Je jetais sur mon amant plus de regards amoureux que je n’en jetais de dévotion sur l’autel. Aux yeux d’une femme du monde, Martin n’aurait été qu’un polisson ; à mes yeux, c’était l’amour même ; il en avait la jeunesse, il en avait toutes les grâces ; la connaissance de son mérite passé me faisait passer légèrement sur la négligence de son extérieur ; je m’aperçus cependant qu’il s’était accommodé ce jour-là, et qu’il tâchait de se donner meilleur air qu’à l’ordinaire. Je lui sus bon gré de son attention, que j’aimais mieux attribuer à l’envie de me plaire qu’au mérite de la fête qu’on célébrait. Rien n’échappe aux yeux d’une amante. Je le voyais qui jetait les yeux du côté des pen-