Page:Amiel - Grains de mil, 1854.djvu/196

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 190 —

CXLIII. — LA FORCE CENTRIFUGE.

Si l’esprit est essentiellement mobile et, pour ainsi dire, fluide, si la vie spirituelle est soumise à un mouvement continuel de rotation, comme la planète son prototype, je m’explique la tendance presque irrésistible de la conscience à la dispersion. Sauf au point unique du centre, sauf dans sa condensation toute ponctuelle sur l’axe même de sa vie, la conscience tend perpétuellement à se devenir étrangère, à se perdre dans l’extérieur, à s’évaporer dans la région périphérique. Emportée qu’elle est par la force centrifuge, sa dispersion est proportionnelle au rayon de son activité. Ramenée à son état de point mathématique, et centrée sur son axe de révolution, elle offre le minimum de prise à la force destructrice : plus elle augmente de volume, plus elle est en danger. La contraction du recueillement, le retour à l’atome intérieur, à la monade est donc la loi de la conservation personnelle. Tandis que la cohésion est une garantie de vie, la dispersion est un symptôme de mort. Or qu’est-ce qui jette le plus l’homme en dehors de lui-même ? La vie des sens. Qu’est-ce qui le concentre le plus ? La prière. Entre deux se trouve la pensée, centrifuge par la curiosité, et, pour ainsi dire, centripète par la méditation.

CXLIV. — COMPENSATION.

D’ordinaire, la médiocrité règne, c’est son droit ;