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CXXX. — BÉVUE.

Vouloir prêcher aux autres sans se prêcher soi-même, c’est vouloir bâtir une maison sans commencer par la base : à ce prix, l’édification religieuse est aussi impossible que l’autre. Et c’est ce contre-sens énorme que commettent parfois les orateurs qui sont les premiers à le honnir en théorie.

CXXXI. — LA FORCE DES CHOSES.

La force des choses, c’est le doigt de Dieu dans l’histoire. Implacable exécutrice des hautes-œuvres de la souveraine justice, elle abat avec la hache toutes les résistances. Laissez passer la justice de Dieu. Ses desseins s’accomplissent inexorablement, mais c’est la faute de l’homme si cette Puissance irrésistible, dont la droite est armée du glaive exterminateur et la gauche pleine de palmes, doit punir ou couronner. L’homme décide de sa destinée ; il fait la route sanglante ou facile, il peut barrer, faire dévier ou écumer un instant le fleuve de l’histoire, mais il ne lui fait pas rebrousser chemin, il ne peut faire fléchir les décrets de la Providence. Le but est inévitable, prédestiné, mais le moyen dépend de l’homme. Sans lui, avec lui ou malgré lui, la volonté suprême s’accomplit.

CXXXII. — IMPRESSION DE VOYAGE.

(Bâle, octobre.) — J’ouvre ma fenêtre à la grande