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28 novembre 1859. — Ce soir, entendu la première conférence d’Ernest Naville sur la Vie éternelle 1. C’était admirable de sûreté, de loyauté, de clarté et de noblesse. Il a prouvé que la question de l’autre vie devait être posée, malgré tout. Beauté de caractère, puissance de parole, sérieux de la pensée, voilà ce qui éclate dans cette improvisation qui est aussi serrée qu’une lecture et qui ne se détache presque pas des citations de Bossuet et de Jouffroy dont elle est entremêlée. La grande salle du Casino était comble jusque dans l’escalier et l’on ne voyait pas mal de têtes blanches.

13 décembre 1859. — Cinquième leçon sur la Vie éternelle (La preuve de l’Évangile par le surnaturel). Même talent, grande éloquence ; mais l’orateur ne comprend pas que le surnaturel doit se prouver historiquement, ou sinon, qu’il doit renoncer à sortir du domaine de la foi et à entrer dans celui de l’histoire et de la science. Il cite Strauss, Renan, Scherer, mais il n’en prend que la lettre, non l’esprit. Toujours le dualisme cartésien, le manque de sens génétique, historique, spéculatif et critique.

1 La Vie éternelle, sept discours prononcés à Genève et à Lausanne, en 1859 et 1860 et publiés en 1861.