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entouré d’une nuit sombre, était près de se briser sur les rochers. Le capitaine faisait tout son possible pour retourner le navire et sauver les passagers. L’ordre fut donné de se diriger dans une baie de l’île Watersay… bientôt après le bâtiment heurtait contre les écueils.

Terribles furent les cris du désespoir des passagers qui se trouvaient dans l’entrepont. Nous étions sur le pont, mouillés, transis de froid et grelottants, nous tenant fortement à des cordes pour ne pas être jetés à la mer. Voyant que toute espérance de salut s’évanouissait, nous retournâmes dans notre cabine. Là je trouvai monsieur Kempf sa femme et ses deux enfants, assis sur le canapé avec la femme du capitaine Rose, noble et pieuse chrétienne. Aussitôt une forte secousse les lança tous du canapé au milieu de la chambre, et en même temps une lame d’eau remplit en partie la cabine. Messieurs Ami et Vernier étaient encore sur le pont mais ils descendirent avec nous, ainsi que le capitaine Rose. Ce dernier prit sa femme par la main et nous invita à le suivre dans sa cabine afin de nous unir dans la prière. Monsieur Vernier tomba à genoux et demanda à Dieu de nous donner le calme et l’assurance du salut, de nous pardonner tout le mal que nous avions fait durant notre vie, de nous donner l’esprit de soumission afin de pouvoir contempler Celui en qui nous croyons. Cette prière terminée, il me prit par la main et m’entraîna dans notre cabine où nous priâmes de nouveau pour sa femme et ses enfants. Ensuite nous retournâmes chez le capitaine Rose, chacun une chandelle à la main.

Pendant ce temps le bâtiment n’avait cessé de se briser sur les écueils et la paroi de la cabine se sépara, ce que je fis voir à monsieur Vernier.

La petite Kempf, âgée de dix ans, dit alors à son frère : « Dans peu de temps nous serons avec Jésus,… le bâtiment va enfoncer. »