Page:Ami - Le naufrage de l'Annie Jane, 1892.djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.
36

idées devenaient confuses. J’allais peut-être succomber en ce moment, et déjà, je priais, pour la dernière fois, le Dieu Tout-Puissant de me recevoir dans son beau ciel, quand j’aperçus, en regardant devant moi une faible lueur. Je me rappelai aussitôt qu’elle venait de la fenêtre du pont, et je pensai que c’était un moyen que le Seigneur me donnait pour sortir du tombeau où j’étais enseveli vivant.

Je me traînai jusqu’au dessous de la fenêtre, posant la main tantôt sur un cadavre glacé, tantôt sur les débris qui remplissaient le salon et ne laissaient que peu d’espace entre moi et le plafond. Au moyen d’un tonneau, je montai sur le pont : là, le spectacle quoique différent n’en était pas moins horrible. La nuit était toujours très noire ; le vent soufflait avec force, et les vagues écumantes balayaient constamment les débris du bâtiment. Malgré l’obscurité profonde, je pus voir assez bien où nous étions. À peu de distance de l’endroit où se trouvaient réunis ceux qui avaient échappé au naufrage, je voyais l’extrémité de la proue du vaisseau plongée dans la mer ; la partie sur laquelle nous étions, large d’environ quinze pieds, était à peu près recouverte d’eau et très inclinée. Serrés les uns contre les autres pour se réchauffer et se protéger contre les vagues