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et les angoisses, une vie glorieuse les attendait : ils s’en allaient vers le Père céleste.

Mais les passagers du salon n’avaient-ils point cette même espérance ? Le Seigneur seul le sait. Toutefois nous connaissons l’arbre à son fruit ; et, voyant ceux-là, devant la mort qui les attendait au fond des abîmes de l’océan, se sentir remplis de terreur et perdus à jamais, il est permis de dire qu’ils voulaient chasser, par leurs gémissements, et je pourrais presque dire, par leurs hurlements de douleur, le spectre hideux du « roi des épouvantements » qui les enserrait déjà dans son étreinte glaciale. S’ils avaient mis leur confiance en Jésus-Christ, ils auraient accepté la mort comme étant le passage de la souffrance à la joie et à la paix dans le sein de Dieu.

Je me suis encore éloigné de mon récit mais la position terrible dans laquelle nous nous trouvions ne justifie-t-elle pas ces quelques réflexions sur les devoirs de l’homme envers son Créateur ? Ceux-là seuls qui ont vu, comme moi, la mort de si près, me comprendront.

Nous étions toujours dans la cabine lorsque monsieur van Buren nous fit remarquer que l’eau y entrait rapidement. Le navire était fortement incliné sur le côté et l’eau pénétrait à l’intérieur par les interstices du plancher ; ce qui nous fit croire que nous coulions à