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jusqu’aux os, je commençai à perdre la force de me tenir attaché au vaisseau, et je retournai aux cabines. J’attendais la mort à chaque instant ; j’avais remis mon âme entre les mains de Celui qui l’avait sauvée par sa mort. Dans le salon je trouvai la famille Kempf et madame Rose assises sur le sofa, calmes et priant Dieu, bien que leur visage trahît la souffrance de leur cœur. Notre position restait la même ; les craquements du navire se faisaient entendre chaque fois qu’il touchait les rochers, et ces violentes secousses nous obligeaient à chercher un appui pour ne pas tomber à la renverse. Monsieur Vernier n’était pas avec nous. Je priai le capitaine qui se tenait au haut de l’escalier de lui dire de venir nous rejoindre. Car à cette heure solennelle, nous désirions nous trouver tous réunis pour prier, nous encourager mutuellement, et mourir ensemble. Notre cher frère Vernier fut bientôt avec nous ; il était triste et silencieux. Il semblait prier constamment, et de profonds soupirs s’exhalaient de sa poitrine oppressée. Quelle en était donc la raison ? C’était la même raison qui, lorsque nous étions à Liverpool, le remplissait de tristesse. Il avait laissé au Canada une femme bien-aimée, cinq enfants chéris et des sœurs auxquelles il était tendrement attaché. En