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L’ATELIER D’INGRES·

Il n’y avait rien de plus curieux que de voir l’exaspération de M. Ingres, qui, devant ses élèves, s’entendait accuser de ne pas suivre ses propres doctrines.

Aussi, comme il s’emportait !

« Mais vois donc, puisque tu te le rappelles, c’est son portrait…

— Idéalisé… »

Ce mot fut le dernier coup, d’autant plus que Granger disait tout cela fort galamment et comme un éloge.

« Enfin ! dit M. Ingres, penses-en ce que tu voudras ; mais j’ai la prétention de copier mon modèle, d’en être le très-humble serviteur, et je ne l’idéalise pas… »

Cette discussion menaçait de ne pas avoir de fin ; Granger y mit un terme en lui disant :

« Idéalisé ou non, c’est très-beau. »

Et l’on n’alla pas plus loin.

Maintenant que bien des années se sont passées, que j’ai étudié, réfléchi beaucoup, je dois convenir que Granger avait raison, s’il voulait dire que M. Ingres avait interprété son modèle avec sa manière de voir ai lui, et que tous les yeux ne l’auraient pas vu de la même façon, ni aussi beau : ce qui est enfin le propre du talent.

M. Ingres ne voyait, lui, dans les paroles de Granger, que cette idéalisation qui se borne à ra-