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L’ATELIER D’INGRES.

de cette émotion que lorsqu’elle nous montre du doigt la fenêtre, où un homme, un couvreur qui réparait la maison, avait appliqué sa figure pour regarder dans l’intérieur. Tant qu’il fut là, rien ne put la décider à remonter sur la table. Il fallut charger le portier de renvoyer cet indiscret, que nos gestes ne faisaient pas bouger. Pendant tout le reste de la séance, elle ne cessa de tourner avec inquiétude les yeux du côté de la fenêtre.

Je sais que, depuis cette époque, les mœurs des modèles ont changé. Elles se recrutent un peu partout, et quittent assez volontiers cet état pour un autre plus lucratif.

Il en reste cependant encore qui conservent les vraies traditions d’autrefois. Je pourrais en nommer une bien connue des artistes, et qu’ils reconnaîtront facilement, quand je dirai qu’à force d’ordre et d’économie elle est parvenue, uniquement par son travail, à se créer un petit avoir, qui pourra la mettre plus tard à l’abri du besoin, et qu’elle a eu l’esprit, pendant qu’elle exerçait consciencieusement son métier, de se faire donner par tous ses artistes, qui y mettaient beaucoup de bonne grâce, un grand nombre de ces petites esquisses, de ces croquis qui traînent dans nos ateliers. Elle a fait restaurer, encadrer toutes ces toiles, quelquefois en assez mauvais