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L’ATELIER D’INGRES.

de la lui annoncer tout doucement, dans la crainte qu’un mouvement trop brusque pour la recevoir ne le fît tomber avec tout son échafaudage. Oui, mon ami, voilà comment nous avons passé vingt ans en Italie, et, dans le moment de notre plus grande détresse, il refusa de prendre un engagement qui lui assurait une fortune à la condition d’aller en Angleterre faire des portraits à la mine de plomb ; et j’ai été de son avis : il avait autre chose à faire. »

À ce moment, M. Ingres, qui avait renoncé à imposer silence à sa femme, entra tout naturellement dans la suite de ses idées, et se tournant vers moi :

« Vous m’avouerez, dit-il, qu’il m’était permis de croire que j’avais là… quelque chose de plus que des portraits à la mine de plomb, et que je pouvais même considérer cette proposition comme insultante… Enfin !… tout cela est fini… N’en parlons plus… On a l’air de faire un peu plus de cas de moi… j’ai de bons élèves qui continueront ma doctrine… celle des maîtres… Je n’ai plus à me plaindre. »

Certes, une existence pareille, supportée avec tant de courage, pour parvenir à un but si élevé, est d’un bien grand et bien noble exemple ; mais la femme qui l’a partagée avec tant d’abnégation, sans autre mobile que l’affection et la confiance