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L’ATELIER D’INGRES.

Sa rapidité à indiquer les principales lignes d’un mouvement était vraiment prodigieuse. Il nous disait, je ne sais pas si le mot est de lui, qu’il fallait arriver à dessiner un homme qui tombe d’un toit. Je vis un jour qu’il aurait été capable de le faire.

Nous avions pour modèle une jeune garçon de dix à douze ans, admirablement beau. M. Ingres ne le connaissait pas et fut émerveillé en entrant à l’atelier.

Après l’avoir considéré assez longtemps : « Messieurs, nous dit–il, je vous demande la permission de mettre votre modèle dans une pose dont j’ai besoin et que je cherche. Veuillez me donner un morceau de papier. »

La pose était évidemment celle d’un jeune homme lançant une flèche, un Amour sans doute. Alors, devant nous, en un instant et en quelques coups de crayon, pendant que l’enfant posait sur une jambe, il fit un croquis de l’ensemble ; mais, comme la jambe en l’air changeait naturellement de place à chaque mouvement que faisait le modèle, M. Ingres en dessinait une autre, de façon que, dans le temps assez court que cet enfant put tenir la pose, il eut la merveilleuse habileté d’en achever l’ensemble et deux jambes de plus.