Il s’appelait Lefèvre, et, sans la misère et la fatalité qui s’attachèrent à lui, son nom ne serait peut-être pas inconnu aujourd’hui. Il avait un talent, il serait plus juste de dire un germe de talent, d’une grande distinction, mais d’une sévérité un peu sauvage. Avant d’entrer à l’atelier, il s’était formé presque tout seul et peignait la miniature ; mais, comme il n’avait pas même une chambre où il pût travailler, son métier pour vivre était de faire des croix d’honneur dans les portraits en miniature du Palais-Royal. On se rappelle peut-être que c’était là qu’habitaient tous les peintres en ce genre. La photographie n’était pas inventée, et l’industrie de la miniature régnait dans tout son éclat.
Lefèvre gagnait 2 francs pour une croix d’honneur, un peu plus quand c’était un ordre étranger plus compliqué.
La vie de cet homme que j’ai aimé de tout mon cœur, et qui me le rendait avec des sentiments presque paternels, mérite un chapitre à part ; je le ferai dans la suite de ces souvenirs, car je ne sais rien de plus honorable que cette misère si noblement supportée, rien de plus touchant que la mort qui vint le surprendre au moment où tout s’aplanissait devant lui, où son existence paraissait assurée, son avenir tranquille.
Depuis quelque temps, Lefèvre ne se montrait