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L’ATELIER D’INGRES

émotion que me cause toujours la vue d’un homme illustre.

Je n’ai jamais éprouvé pour le talent d’Horace Vernet une sympathie bien grande : la facilité, l’improvisation dans les arts, m’ont toujours semblé des qualités inférieures ; mais, quand ces qualités sont portées à ce point qu’elles ont ébloui pendant de longues années tout un pays, bien mieux, le monde entier, il faut nécessairement s’incliner, et la démarche que je faisais en ce moment me disposait d’autant plus à reconnaître cette illustration et à sentir la distance qui m’en séparait.

Il était seul, vêtu d’un veston collant gris, d’un large pantalon de même nuance, avec de longues poches ouvertes de chaque côté.

Il travaillait à une toile, un Daniel, je crois, dans la fosse aux lions.

Dès qu’il m’aperçut, il se leva.

« Eh bien ! me dit-il, vous voulez donc entrer dans notre galère ?…

— S’il ne s’agissait que de vouloir !… » répondis-je.

Alors, mettant de côté sa palette, il tourna dans ses doigts une cigarette, plaça, debout qu’il était, son pied sur le poêle, reste de prétention à la souplesse, et aborda tout de suite la question :

« Je dois vous dire que je suis, moi, saint Jean