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qui on avait affaire, et M. Ingres commença à exprimer par des gestes d’admiration tout le plaisir qu’il éprouvait ; mais, lorsque Paganini se livra à ces exercices de prestidigitation, à ces tours de force qui ont donné naissance à une si ridicule école, le front de M. Ingres se rembrunit, et, sa colère augmentant en raison inverse de l’enthousiasme du public, il ne put plus se contenir : « Ce n’est pas lui, » disait-il. J’entendais ses pieds frapper d’impatience le parquet, et les mots d’apostat, de traître, sortirent de sa bouche avec indignation.

Ai-je besoin d’ajouter que son intolérance en musique égalait celle qu’il ne dissimulait pas en peinture ? Il ne reconnaissait que les anciens, et ne voulait pas entendre parler des modernes. — Il faisait, je dois le dire, une exception en faveur d’Henri Reber ; je crois bien que c’était la seule. Je fus témoin un jour de son enthousiasme après avoir entendu une symphonie de ce compositeur. Il se leva au milieu du salon où cet ouvrage était exécuté, et s’écria tout haut : « C’est comme les maîtres ! » Mais, je le répète, ces exceptions étaient bien rares.

Je ne m’étendrai pas davantage sur ce sujet. Quoi qu’on ait pu dire, la musique a joué un très-petit rôle dans la carrière de cet illustre peintre.