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LA VIE À FLORENCE.

préoccupé cependant quand quelque brave femme venait s’agenouiller et prier derrière mon dos. Je vis au bout d’un instant que c’était la chose du monde la plus naturelle, et que personne ne faisait attention à moi.

Je reprends le récit de notre existence journalière.

Nous nous réunissions le matin au café Doney, où l’on nous servait un très-simple et très-modeste déjeuner, qui nous permettait d’avoir la tête libre pour le travail. À peine étions-nous installés à notre table, qu’une femme jeune encore, d’une physionomie charmante, entrait dans la salle, coiffée d’un énorme chapeau de paille, d’Italie naturellement ; un collier, composé d’une infinité de rangs de perles fines, lui entourait le cou presque à le cacher, et, tenant à la main une corbeille de fleurs, elle s’approchait, nous saluait gracieusement, offrait à chacun de nous un petit bouquet composé de cassia, dont l’odeur est très-fine, et entouré de violettes ou de roses ; puis elle s’éloignait sans attendre la moindre rémunération. Je ne veux pas la faire plus poétique et plus désintéressée qu’il ne faut. Ces petits bouquets valaient à peine un centime, et, au bout de quelque temps, on payait avec une piastre ses générosités, et au delà ; mais je n’en trouvais pas