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L’ATELIER D’INGRES.

et fort enthousiastes des arts. L’un d’eux, Bodinier, frère du peintre, avait étudié lui-même chez M. Ingres, et, s’il ne produisit pas d’ouvrages au grand jour, c’est qu’ayant commencé un peu tard, peut-être lui fut-il difficile d’apprendre bien à fond le métier ; il n’avait du reste aucune ambition, et surtout aucune prétention : très-instruit, adorant la musique, c’était un charmant compagnon, qui, moins jeune que nous, et surtout ayant l’apparence d’un homme âgé, convenait parfaitement pour diriger notre petite troupe.

L’autre était Brémond, qui avait débuté au Salon par un portrait de lui et de toute sa famille, très-remarqué et très-remarquable, quoiqu’il me soit resté dans l’esprit comme une chose étrange. Je crois qu’on peut attribuer le peu de retentissement de ses œuvres à un besoin de produire, à une ardeur si grande, que l’exécution s’en ressentait, et que, n’ayant pas les qualités de coloriste qu’il recherchait, il perdait les qualités de dessinateur innées en lui.

Le troisième, Brisset, était un garçon bizarre, plein d’esprit naturel et d’entrain, mais dont l’exaltation, par moments, pouvait faire redouter une atteinte au cerveau, qui se manifesta en effet une ou deux fois, sans avoir cependant des suites graves. Je pris tout de suite sur lui une grande influence, grâce à l’affection qu’il avait pour moi,