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L’ATELIER D’INGRES.

à la séparation des places du centre, et faire signe à mon père, qui s’approcha de moi ; sans autre explication, je ne pus que lui dire de ne pas parler à M. Gros.

En attendant l’heure du dîner, où je devais rejoindre mon père, j’allai, longeant les quais, marchant au hasard, inconscient de ce que je faisais, car, au fond du cœur, je n’avais qu’une pensée, qui m’absorbait entièrement, celle de mon avenir, de la carrière si difficile que j’allais suivre. Aussi, je me retrouvai à la maison sans trop savoir quel chemin m’y avait ramené.

Nous nous mîmes à table, et, avant que j’eusse pu dire à mon père le changement de mes projets, il nous raconta la rencontre qu’il venait de faire à l’Institut. Un de ses confrères l’avait abordé en lui disant : « Je n’ai pas oublié, monsieur, le service que vous m’avez rendu, ainsi qu’à mes camarades, il y a bien des années de cela, et j’en ai toujours gardé une profonde reconnaissance. » C’était M. Ingres. Mon père, en effet, au moment où M. Ingres eut le prix de Rome, était chef du bureau des beaux–arts ; il avait trouvé le moyen, par son insistance auprès du ministre, et par des ressources qu’il put se procurer, de faire partir pour Rome les lauréats de l’Institut, qui, depuis quelques années, étaient forcés de rester à Paris.