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IMPRESSIONS DE VOYAGE.

cette ville où je devais plus tard passer des jours si complétement heureux.

Je ne doute pas que l’excessive animation que je trouvai tout de suite autour de moi, et à laquelle je ne pouvais prendre part, ne fût une des causes de la tristesse qui m’avait assailli.

Je voyageais avec un ami très-spirituel, mais peu amateur des arts, et qui me laissait volontiers passer seul une partie de mes journées dans les églises et dans les musées. Pour cela, je n’avais pas à me plaindre, mon temps pendant le jour étant bien rempli. Mais le soir, ce tête-à-tête que personne n’interrompait, cet isolement dans une foule animée et joyeuse, au milieu de ce monde qui ne paraissait guère connaître d’autre occupation que le plaisir, avait sur nous deux une influence des plus maussades, et qui frisait le découragement.

Surtout à l’heure des Cascines, quand nous voyions passer lungo l’Arno des équipages élégants et de charmantes femmes adressant, de la main, à leurs amis, ce bonjour qui ressemble à un baiser, sans que pas un de ces jolis doigts se dirigeât de notre côté, nous ne pouvions alors dissimuler notre ennui, mon ami surtout, qui ne cessait de me répéter : « Toi du moins, tu as ta peinture ! »

C’était en effet pour moi une compensation bien grande, et les trésors que je découvrais,