Page:Amaury-Duval - L’Atelier d’Ingres.djvu/162

Cette page a été validée par deux contributeurs.
155
L’EXPOSITION DE 1834.

tres je l’ai entendue dépenser entre son frère et moi ! Elle n’était pas difficile pour son auditoire. Riait-elle de bon cœur en nous racontant les mots d’une naïveté un peu crue de Baptiste, le domestique de sa mère ! Et cet argot que nous avions inventé au collége, et qu’elle parlait quelquefois devant de grands personnages. Ce jour enfin où, en présence d’un ambassadeur quelconque, il lui échappa, en me parlant, un tutoiement, vieux reste d’habitude d’enfance. — Au mouvement étonné que fit le visiteur : « Ah ! c’est qu’il faut que vous sachiez, lui dit-elle, que nous avons été élevés ensemble… et même… bien mal élevés. »

Jamais, dans ses mots, et ils étaient nombreux, la moindre méchanceté, ce qui est si difficile et si rare. C’était de la gaieté spirituelle, de l’esprit le plus fin, mais de l’esprit bon enfant.

Sa cousine, madame Gabriac, était douée comme elle d’une verve intarissable. Élève d’Ingres, il y avait assez de talent dans sa peinture pour qu’elle ait vécu longtemps et courageusement de son travail. Un homme sut distinguer les qualités nombreuses de cette charmante femme et l’épousa à Rome. Elle passa là trente ans de sa vie au milieu de tous les chefs-d’œuvre qu’elle savait admirer, et entourée d’une famille charmante qui l’adorait.