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L’ATELIER D’INGRES.

autant que possible, quand la porte s’ouvrit. M. Ingres vint à moi, et, après une poignée de main, se retourna du côté où j’avais placé mon ouvrage, le regarda quelques instants, — des heures pour moi, — et me dit enfin :

« Eh bien !… c’est charmant… tout à fait naïf et vrai… les mains… (et en se baissant il approchait les siennes du portrait et faisait le mouvement de modeler)… dessinées parfaitement… Mais… c’est un peu plat… ça manque de demi-teintes… J’ai fait de la peinture comme ça… Maintenant je fais tourner… On veut que ça tourne… Je me moque pas mal que ça tourne… Enfin !… prenez garde… on ne comprendra pas… Décidément, plus de relief… »

Madame Ingres passait dans le corridor : « Ma bonne, viens donc voir un portrait d’Amaury… »

Elle entra, regarda et dit :

« Tiens, est-ce que c’est fini ? »

M. Ingres se retourna vers moi, et d’un ton sérieux : « Vous voyez… c’est que ça ne tourne pas, je vous l’ai bien dit. »

Et puis, comme pour faire revenir sa femme sur son impression : « Regarde donc les mains, lui dit-il, en appelant l’éloge.

— C’est égal, ça n’a pas l’air fini. » Et elle retourna à son ménage.

« Eh bien ! vous voyez, me dit M. Ingres, ce