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L’ATELIER D’INGRES.

ridicule, il n’était que l’expression juste de ce que je me figurais.

Je suis revenu de ces idées d’un autre âge, et le temps où j’ai vécu y a bien un peu aidé. Aujourd’hui, les ateliers sont ouverts à tout venant, et le peintre travaille à sa petite machine (c’est le mot) au milieu d’une foule d’amis, causant, fumant, racontant le sujet de la dernière opérette, dont ils chantent les motifs les plus populaires ; c’est un métier gai, charmant : je suis loin d’y trouver à redire ; c’est un fait que je constate, sans le blâmer. Mais enfin il n’en était pas ainsi autrefois : l’intérieur de l’atelier d’Horace Vernet, qu’une gravure très–répandue fit connaître, était une exception bien grande, à en juger par l’étonnement que causa cette façon de travailler ; il fallait donc, pour se décider à prendre cette carrière difficile, que l’on se sentît entraîné par une vocation qu’on avait, ou qu’on croyait avoir. Aujourd’hui, on se fait peintre comme on se fait quart d’agent de change, et l’on arrive à peu près au même résultat.

Mais, je l’avoue, moi qui avais pour tous les hommes supérieurs un respect que j’ai toujours conservé du reste, moi dont le cœur battit si vivement le jour où Girodet me serra la main pour la première fois, je ne voyais pas de près, sans un trouble bien grand, la résolution que