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Des châsses formèrent long-tems le plus précieux mobilier de la couronne. Les rois les faisaient porter à l’armée ; on les tenait présentes aux combats, dans lesquels, souvent, les deux partis opposaient les saints aux saints. Charlemagne surtout ne faisait point la guerre sans se faire escorter par les reliques les plus révérées. Certainement cet homme extraordinaire, mais crédule comme son siècle, n’était pas sans avoir lu dans les écrits du père de notre histoire nationale[1], qu’un certain roi d’Orient s’étant implanté dans le bras un doigt du martyr saint Serge, mettait, en élevant ce bras en l’air, les armées ennemies en déroute.

Quand une ville assiégée voyait le bélier ébranler ses murs, et l’échelle aux harpons de fer menacer ses crénaux, à l’apparition des châsses promenées autour des remparts, il n’était point de citoyen qui ne défendît héroïquement la brèche ; car, il faut l’avouer, la foi fit faire de grandes choses dans le moyen-âge ; mais alors elle était docile et ne raisonnait pas.

Fallait-il, enfin, recourir à la pitié du ciel, dans l’invasion des fléaux qui désolent la terre, les reliques des saints venaient, du fond du sanctuaire, porter, dans une excursion solennelle, la consolation et l’espérance au sein des villes et des contrées frappées de contagion ou de stérilité[2].

    Le Bœuf n’ignorait pas, sans doute, que Robert, qu’il donne comme répréhensible, par une semblable déception, en saine théologie, violait en même tems les lois les plus sacrées de la probité ; il est vrai que la barbarie de cette époque embrouillait jusqu’aux principes de morale aujourd’hui le plus à la portée du peuple.

  1. Greg. Tur., lib. vii.
  2. Une des cérémonies religieuses les plus brillantes de l’église, devait incontestablement consister autrefois dans l’espèce de procession dite procession des saintes Reliques. Qu’on se figure, dans Rouen, par exemple, le clergé des nombreuses paroisses et des monastères de cette ville, revêtu de ses riches ornemens d’or et d’argent, promenant triomphalement une longue file de châsses étincelantes de l’éclat de ces précieux métaux et de celui des perles et des pierreries. Les religieux de