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pour les pauvres[1]. Mais ordinairement les maîtres de la confrérie étaient abandonnés à leur libre arbitre ; et alors ils donnaient des repas somptueux, et c’était à qui montrerait le plus de magnificence. On conçoit que quelques marchands reculassent devant cette dépense. Long-tems, toutefois, il se trouva des gérens de bon gré. Pour parvenir à l’échevinage et aux autres dignités de l’Hôtel-de-Ville, il fallait avoir été maître, ou tout au moins membre de la confrérie de Saint-Romain ; et souvent l’amour-propre parlait plus haut que l’économie. Aussi vit-on long-tems la confrérie de Saint-Romain se soutenir et prospérer, malgré les dépenses auxquelles forçait le titre de maître en charge. Outre les droits que cette maîtrise donnait aux dignités municipales, on peut croire que, dans un tems où la religion tenait une si grande place dans l’opinion, des motifs de piété avaient pu porter beaucoup de bourgeois de Rouen à désirer la maîtrise, ou du moins à l’accepter sans murmure. Mais il y a loin des xiiie et xvie siècles aux dernières années du xviiie ». Le sarcasme qui s’était attaqué à l’église et au dogme, n’avait garde d’épargner les dévotions particulières ; on jetait alors le ridicule sur les confréries d’hommes ; celle de Saint-Romain ne fut pas épargnée. Dans les plaisanteries de l’époque, on la désigna comme ayant pour mission principale la garde et le soin de la parure du dragon d’osier que le peuple appelait gargouille de saint Romain. On ne pouvait rien imaginer de plus propre à la discréditer et à en dégoûter des hommes qui appartenaient aux classes honorables de la société. Dès lors, la confrérie, découragée et humiliée, fit tout de mauvaise grâce. En 1752 et 1753, il fallut des ordres réitérés du chapitre, pour la déterminer à

  1. Histoire de l’église cathédrale de Rouen, par Pommeraye, page 686. — « Quatenùs, durantibus Rogationibus proximis, se abstineant confratres ab conviviis excessivis et insolenciis, et quod in loco superfluitatum quae fieri consueverunt, faciant elemosinas pro pauperibus et similiter quod caveant à chorœis et mimis. » (Reg. capit., 1er mai 1522.)