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était encore alors dans toute sa vivacité ; et l’on conçoit que des associations pieuses devaient surtout fournir un bon nombre de pélerins. La confrérie de saint Romain avait les siens. « Se aucune personne de la dicte confrarie va en pélerinage au Saint Sépulcre oultremer (disait un article des statuts), il aura dix solz des deniers de la confrarie ; et se il va à Rome, cinq solz ; et à St.-Jaque en Galice, cinq solz ; et à St.-Gille, douze deniers. A chascun an, le lundi après Pasques, les compaignons doivent assambler à la messe sainct Anthoine, à la Magdeleine, et d’ilec aler aux murs de Grantmont, vers Soteville, pour regarder se (si) il y a pélerin de la dicte confrarie, pour lui faire paier son droit. » Ce goût pour les pélerinages survécut bien long-tems aux statuts de la confrérie de saint Romain. En 1624, une confrérie des pélerins de St.-Jacques fut érigée par M. De Péricard, évêque d’Évreux, dans l’église de St.-Jean d’Elbeuf. Chacun des confrères devait, je crois, une fois dans sa vie, se rendre à St.-Jacques, un bourdon à la main. Je me souviens d’avoir vu, il y a environ vingt ans, à Elbeuf, surtout parmi les tisserands, des vieillards qui étaient allés à St.-Jacques en Galice, ou dont les pères avaient fait ce pieux pélerinage.

La lèpre était fort commune à cette époque, soit qu’elle fût le triste fruit de ces voyages lointains[1], soit qu’elle eût sa source dans le peu de propreté que l’on avait alors. Le vieux coutumier de Normandie laissait le lépreux en possession des biens qu’il avait avant d’être attaqué de la lèpre, mais le déclarait exclus des héritages qui viendraient à lui échoir après. « Li Mésel, disait-il, ne poent estre heirs à nului......, mais il tendront leur vie l’éritage que il avoient, ains que il fussent mésel. » Celui qui était attaqué de ce mal affreux, devenu désormais un objet d’épouvante pour ses semblables, devait sortir des villes et errer dans les lieux les plus écartés ; et lorsqu’il voyait quelqu’un s’approcher de sa retraite, il agitait sa

  1. Michaud, Histoire des Croisades, livre XIIe.