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délivréz des deux ensemble ; donc rendons grâces à Dieu ainsi chascun an de la grâce qui nous a esté faicte par nostre bon père et archevesque sainct Romain[1]. » Il n’était pas possible d’arriver plus près du but, sans l’atteindre. Mais, comme les hommes vont toujours affaiblissant la vérité[2], on finit, plus tard, par ne plus penser au vrai et unique sens de la fête, et par ne plus vouloir que de la fable, qui charmait bien autrement les esprits par son merveilleux, accommodé au goût du tems. Alors, les dragons horribles qui figuraient aux pieds des saints, ne furent plus des images de l’ennemi du genre humain, mais des dragons véritables, des monstres de chair et d’os, dont les saints avaient délivré le pays. Le peuple de Paris croyait (avec raison ou non, nous n’avons point à examiner ce point) que saint Marcel avait effectivement tué un dragon. Le peuple de Rouen, ne fût-ce que par imitation, crut, mais sans fondement (les anciennes vies de saint Romain le prouvent), la même chose de saint Romain son évêque. Cet idolâtre converti, représenté aux pieds du saint, tout joyeux de voir ses fers tomber de ses mains, devint un prisonnier, un meurtrier qui avait obtenu sa grâce en aidant le saint à triompher du monstre. Au lieu que les

  1. Anciennes archives de la cathèdrale de Rouen.
  2. Bossuet, Discours sur l’Histoire universelle.