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des tanneurs, et il leur dit, en leur montrant les cadavres gisans sur la place, que « s’ilz vouloient achapter les peaulx de ces bestes, il leur en feroit bon marché. » Le jeune Chrestien Gommer, sieur du Breuil (l’un des fils du grand-maître), âgé alors de treize ou quatorze ans seulement, avait éte témoin de cette horrible scène. Les assassins de son père l’avaient poursuivi lui-même, malgré son âge tendre, « fouillans partout, jusque ès foirres (dans la paille) des lictz », disant, avec d’affreux blasphèmes, que « ce n'estoit pas assez d’avoir tué le père, et qu’il falloit exterminer toute la race. » Le jeune Chrestien Du Breuil ne dut son salut qu’à la pitié d’une vieille femme qui le cacha dans sa chaumière ; on sut qu’après s’être éloigné quelque tems, l’abbé d’Orbais était revenu, avec ses gens, dans les lieux témoins de ce massacre ; « qu’ils y avoyent faict faire feuz de joye en signe de trophée, dansans autour du feu, ayans des bonnets rouges et plumes de coq, en dérision du sieur Du Breuil et de sa maison. » (Les bonnets rouges et les plumes de coq étaient alors une partie nécessaire du costume que l’on prenait pour faire des folies, pour jouer la mascarade[1]). — On peut imaginer la vive impression que de pareilles horreurs firent sur un jeune homme de treize ou quatorze ans, sur un fils.

  1. Mémoires du duc d’Angouleme, in fine.