Page:Amable Floquet - Histoire du privilege de saint Romain vol 1, Le Grand, 1833.djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

coustume de Normendie. » C’est ici un des anciens usages judiciaires de la province, usage curieux, et qui mérite quelques détails. Dans notre ancien droit normand, lorsqu’un criminel, fuyant la justice, avait réussi à gagner asile dans une église ou dans tout autre lieu saint, il n’acquérait point, par là, une entière impunité, mais il avait à choisir entre deux résolutions : celle de se rendre aux officiers de justice, pour subir le sort qu’il avait encouru par son crime, ou de sortir de la province, sans y rentrer jamais, sous peine d’être regardé comme coupable, et traité comme tel, lors même qu’aucun jugement n’avait été prononcé contre lui. Neuf jours lui étaient donnés pour prendre un parti. Pendant ces neuf jours, il était loisible aux siens ou aux gens de l’église de lui apporter des alimens ; mais seulement ce qu’il lui en fallait pour soutenir sa vie. Des gardes placés dans l’église veillaient à ce qu’il ne pût s’échapper. Les neuf jours écoulés, on ne pouvait plus lui apporter de nourriture ; les gardes l’empêchaient rigoureusement, et il fallait qu’il se décidât ou qu’il mourût de faim. S’il désirait rester en Normandie, les officiers de justice s’emparaient de lui. S’il aimait mieux forjurer[1], c’est-à-dire se

  1. Forjurer, composé des mots foris, dehors, et jurare, jurer. Forjurer, c’était jurer d’aller dehors, de sortir.