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à haute voix : Noël ! Noël ! vive le Roi ! Car, aux oreilles d’un roi de treize ans, peut-il retentir d’autres cris que des cris d’espérance et de joie ; et un roi, presque enfant encore, venant, pour la première fois, dans une de ses bonnes villes, pouvait-il y apporter autre chose que du bonheur ?

L’émotion de Charles allait croissant toujours. Au grand portail de la cathédrale, le vénérable archevêque de Rouen, Guillaume de Lestrange, lui adressa des paroles qui le touchèrent plus qu’on ne saurait dire. L’âme toute remplie de Charles-le-Sage, son père, dont le saint prélat venait de lui parler long-temps, il s’avançait tout songeur, sous un dais, vers le sanctuaire, lorsqu’apparut à ses yeux un spectacle qui le fit défaillir un instant : c’était le tombeau, tout récent encore, où reposait le cœur de Charles V, légué par ce monarque à la ville de Rouen, qu’il avait tant aimée. À cette fois, ni le duc d’Anjou, ni le duc de Bourgogne ne furent plus les maîtres. Ce spectacle avait triomphé de toutes les irrésolutions de Charles VI ; car (et il venait de s’en souvenir) il avait vu son auguste père signer, chaque année, dans la semaine sainte, grand nombre de lettres de grâce, en mémoire du Dieu qui pardonna au genre humain coupable. À l’heure même, par son ordre absolu (un jeune roi veut vite et fortement), des lettres de pardon furent