Page:Amable Floquet - Anecdotes normandes, deuxieme edition, Cagniard, 1883.djvu/357

Cette page a été validée par deux contributeurs.

aveugle. C’étaient Tristan de Léonais traversant la mer sur son épée, pour rejoindre sa maîtresse qui est censée l’attendre impatiemment au rivage ; Lancelot du Lac, le chevalier Yvain, d’autres encore, tous en grande recherche de leurs belles, et faisant, pour les retrouver ou pour leur plaire, les plus sottes choses dont ils eussent pu s’aviser ; Aristote, ce grand philosophe, servant de haquenée à sa maîtresse, qui, montée sur lui, à l’avantage, s’en va chevauchant vers le palais d’Alexandre, non sans fouetter vigoureusement sa monture ; Virgile qui, déçu par une voix menteuse, s’est laissé hisser en l’air dans une corbeille où il demeure, se morfondant toute une nuit à la belle étoile, suspendu entre le ciel et la terre, oublié, hélas ! de celle qu’il a bien voulu croire, et sévèrement puni d’avoir lui-même oublié le pieux Énée.

Les curé, vicaires et obitiers de Saint-Pierre, en entendant Gervais Delarue leur expliquer ces énigmes, n’en pouvaient revenir d’aise. Non pas qu’au fond ces. dignes prêtres eussent autrement à cœur Lancelot du Lac ni la reine Génèvre ; mais un si fin débrouilleur de vieux mystères leur parut envoyé du ciel tout exprès pour les tirer d’une chicane à eux suscitée par l’officialité de Bayeux, et qui, depuis quelque temps, les tenait tous en cervelle. Il n’y allait de rien moins, à la vérité, pour ce curé et ses douze obitiers, que de