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de ces femmes douées d’un naturel exquis, fécondé par une éducation chrétienne, sérieuse et forte, mais dont aussi la vieillesse florissante n’était qu’esprit, bonté, sagesse, support, conseil ; charité qui secourt sans humilier ; lumière qui éclaire sans blesser jamais. Environnée de fils, de petits-fils, des enfants de ses petits-enfants, tous meilleurs par elle, tous tendres et empressés autour d’elle, la digne femme s’avançait heureuse, au milieu des hommages d’une grande ville, qui lui portait amour et respect, et qui, la voyant si ferme en un si grand âge, souriait à l’espoir de la posséder longtemps encore, lorsqu’un matin retentit tout-à-coup dans Rouen la nouvelle du crime le plus horrible et le plus inattendu qu’on y eût vu de mémoire d’homme. Nul, d’abord, ne le voulait croire ; et une multitude éperdue, envahissant l’hôtel de Brothonne, quand elle vit la bonne dame (comme on l’appelait) sanglante, mutilée sur son lit de mort, se prit à crier, à pleurer la mère des pauvres. Car les pauvres, venus là en foule, l’appelaient tous ainsi à l’envi, trahissant, dans leur détresse, dans leur désespoir, l’impénétrable secret de la défunte. Puis, dans la haute tour de Saint-Laurent, le glas faisant entendre ses sons lents et plaintifs, eurent lieu en grande pompe les tristes funérailles, où toute la ville en foule s’était portée ; où, avec les trois générations des Brothonne,