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venir un page, aux couleurs de Villars-Brancas, à la mine espiègle et railleuse, lequel, s’inclinant en tout respect, annonce à M. de Frainville que la duchesse l’a envoyé lui offrir ses civilités les plus humbles ; qu’au demeurant elle a quitté Rouen le matin de bonne heure et doit en ce moment être bien près de Louviers, s’il ne lui est point arrivé d’accident par les chemins, ce dont Dieu l’a gardée, selon toute apparence ; puis, à ce maître page de s’en aller sur cela, non sans s’être profondément incliné de rechef, mais non aussi (disons-le) sans sourire, de l’air d’un homme au fait des choses et qui sait le fin mot d’une affaire.

Pour M. de Frainville, à cette heure, il s’invectivait amèrement, et se serait, volontiers, battu lui-même. Il n’y voyait, hélas ! maintenant que trop clair, et connaissait, de reste, le jeu de l’opiniâtre et rusée duchesse. Tant de douceur après tant de cris, cette soudaine et amiable renonciation après de si tyranniques et si intraitables exigences, ce brusque départ, enfin, après deux grands jours d’un si public et si éclatant triomphe, le moyen désormais de s’y méprendre ? À l’avance, la maligne dame avait tout su ; c’était s’en apercevoir un peu tard. Même la lettre close du roi, regardée de plus près, se trouvait être déjà vieille d’une semaine tout au moins, et (grâce à la duchesse) n’arriver à M. de Frainville qu’en un moment où autant lui eût valu un compliment de bonne année.