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étrangement se méprendre. Jadis, en France, la condition des dames fut de beaucoup meilleure qu’on ne la voit en ce siècle de fer. L’intelligence, le jugement, l’esprit, la raison leur ayant été donnés comme à nous et parfois même à plus forte dose, il ne leur était point naguère si rigoureusement interdit de s’en servir. Longtemps elles jouèrent les premiers rôles en partage, et les jouaient si bien qu’il y a eu iniquité criante à les en exclure. Au temps, par exemple, où les barons, dans leurs domaines, rendaient la justice en personne, quelque seigneurie venait-elle à échoir par héritage à une veuve, à une demoiselle, on voyait bientôt ces dames, s’acheminant en toute gravité au prétoire du lieu, y aller tenir leurs plaids, décidant solennellement et résolument du fait et du droit, ni plus ni moins que faisaient chez eux les seigneurs leurs voisins. Il ne paraît pas qu’elles s’en acquitassent plus mal que ces Messieurs. Qui voudrait compulser les vieilles minutes du temps, y trouverait à foison des sentences de ces dames, rendues de bon sens, en toute équité, et fort peu, croyez m’en, qui prêtassent à la censure. Si bien même qu’au cas d’appel de leurs décisions et de celles rendues par leurs voisins (et le compte exactement fait des sentences confirmées et infirmées), au sexe fort, tout bien balancé, ne demeurait point l’avantage.