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Donc, au bon vieux temps, deux fois chaque semaine, à quatre heures du matin, partait, de la rue du Bec, une voiture publique aux formes gothiques, aux parois épaisses, aux lourdes allures, à la marche grave, digne, posée et solennelle, qui, dans la belle saison, arrivait à Paris juste le soir du troisième jour après son départ, sauf les cas d’accident qui, à la vérité, n’étaient pas rares ; et cette voiture, on l’appelait magnifiquement le carrosse, parce qu’elle était surtout à l’usage des privilégiés. Aux pauvres diables, l’humble galiote et les chevaux étiques si bien nommés mazettes du port Saint-Ouen ; mais le carrosse, voyez-vous, c’était pour les heureux du siècle : pour le gros négociant qu’attendait à Paris son correspondant de Hambourg ; pour le gentilhomme qui allait à Versailles gronder, pour quelque frasque, son fils, le plus espiègle des pages de la grande écurie ; pour le chanoine qui avait quelque chose de pressé à dire au ministre tenant la feuille des bénéfices ; pour la plaideuse un peu sur l’âge, qui allait recommander aux juges son dix-neuvième et avant-dernier procès.

En bonne conscience, elle n’avait que huit places, la noble voiture, et combien de fois le Parlement avait défendu au cocher d’y admettre plus de huit personnes ! combien de fois il avait défendu aux voya-