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tenant, qu’entre un monde si riche et un monde si pauvre, il n’y eût point un peu de mépris d’un côté, de l’autre un peu d’envie ; que deux peuples voisins, dans des conditions si diverses, parlant deux idiomes si différents, ne se regardassent point comme étrangers et ennemis au besoin, c’eût été merveille. À Saint-Godard, on ne tarissait point en plaisanteries sur le dialecte étrange des Nicaisiens et sur leur argot purin ; car c’était ainsi que l’ironie avait qualifié la langue en usage entre la rue de la Pomme-d’Or et celle des Deux-Anges.

Les habitants de Saint-Nicaise n’enduraient point patiemment ces dédains, ces railleries, ces grands airs ; et de cette mutuelle antipathie étaient nées deux locutions proverbiales particulières à notre ville. L’église de Saint-Nicaise, bâtie à mi-côte, se voyait d’assez loin ; et, en apercevant le comble passablement élevé du chœur de la modeste église, un bel-esprit de Saint-Godard s’était avisé de dire que les habitants de Saint-Nicaise avaient le cœur (chœur) haut et la fortune basse.

Ce mauvais brocard avait fait fortune et était parvenu aux habitants de Saint-Nicaise ; mais ils avaient vivement riposté, en disant qu’aux enfants de Saint-Godard l’esprit ne venait qu’à trente ans. C’est que, sur la paroisse de Saint-Nicaise, rendus, de bonne