la majesté royale peut seule retenir les Dieppois, impatients
de le presser dans leurs bras. Il y avait
quelques années, la France étant en paix, le jeune
Duquesne, s’ennuyant de n’y avoir plus rien à faire,
était parti pour la Suède ; il en revenait aujourd’hui
couvert de gloire : les lettres de Christine étaient remplies
des louanges de l’intrépide normand, longtemps
major de son armée navale, et qu’elle n’avait laissé
partir qu’avec un indicible regret. Louis XIV, après
qu’il se les eût fait lire, regarde avec complaisance
les deux magnifiques vaisseaux suédois, et surtout
le brave qui vient de les amener ; puis, avec une
grâce enfantine, à laquelle se mêle déjà la majesté :
« Monsieur Duquesne, lui dit-il, désormais vous ne
conduirez plus que des vaisseaux français. Avec la
permission de Sa Majesté la reine régente ma mère,
je vous fais chef d’escadre. » Alors, les cris de :
Vive le Roi ! éclatent, retentissent le long du rivage ; les
deux vaisseaux suédois font entendre leurs derniers
saluts ; en même temps, les fêtes interrompues recommencent
plus animées que jamais ; de toutes parts, on
s’empresse tumultueusement auprès de Duquesne.
Dieppe, cette ville naguère humiliée, aujourd’hui ne se
peut plus tenir de joie : tout lui dit qu’elle a enfanté
un héros, et que la marine française va, elle aussi,
avoir enfin ses jours de gloire.
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