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dable, planant, comme la voix de Dieu, au-dessus de toute cette immense multitude qui n’était venue que pour voir, et qui ne voyait plus, silencieuse alors, écoutant avidement et n’ayant plus qu’un sens ! Et la voix avait proféré des paroles qui ne devaient pas être oubliées de longtemps. Car quel moraliste, quel philosophe trouvera jamais plus de créance et laissera des impressions plus durables, qu’un condamné forcé et aux abois, confessant, détestant son crime à la face de la terre qui le repousse et du ciel qui le foudroie ; dénonçant la cupidité, la soif de l’or qui l’ont précipité dans l’abîme ; déclarant, lui qui le sait, que, dans quelque désert éloigné que le crime puisse aller accomplir son oeuvre, Dieu s’y trouvera toujours avant lui, et sera là à l’attendre, à l’épier, témoin inaperçu de ce que le reste du monde ignore, voyant tout, n’oubliant rien, plus tard dénonciateur inexorable, et enfin juge terrible et sans merci.

Cinquante ans environ après cette scène, il y avait longtemps que Laurent Bigot n’était plus ; Émeric lui avait succédé, puis était devenu président à mortier. Son ami Étienne Pasquier était un noble et vénérable vieillard, au grand savoir, aux cheveux blancs. Composant alors ses curieuses Recherches sur la France, et voulant montrer, disait-il, « comme Dieu, quelque fois, permet que les crimes soient avérés, lorsque les