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subite, qui fut telle qu’il fallut le soutenir et le mener jusqu’à la sellette, où, encore, il ne put s’asseoir qu’aidé par les porte-clefs ! Et, atterré qu’il était, lorsqu’il revint un peu à lui, on voyait percer, dans ses gestes involontaires, ou le poignant remords d’une âme bourrelée qui se reproche un forfait, ou, peut-être, l’horrible regret d’avoir commis un crime incomplet, de n’avoir pas achevé son oeuvre.

Les présidents et les juges se regardaient entre eux, dans l’attente de ce qui allait suivre. Mais voilà que, dès les premiers mots que répond Martel aux questions du président Feu, l’aveugle, qui, depuis le commencement de cette scène, ignorée de lui, était demeuré froid et impassible, s’émeut tout-à-coup et prête l’oreille ; il écoute avidement, écoute encore, puis recule brusquement, en faisant un geste énergique d’horreur et d’effroi, comme pour repousser de ses deux mains un objet qu’il sait près de lui et qui l’épouvante, cherchant à s’enfuir, et s’écriant : « C’est lui, ou, c’est bien la voix que j’entendis sur les hauteurs d’Argenteuil. » Le geôlier emmenait Martel (car c’était lui) ; il l’emmenait plus mort que vif, obéissant, en cela, au président, qui lui avait enjoint de faire monter un autre prisonnier ; mais cet ordre, prononcé très haut, avait été accompagné d’un signe que le geôlier comprit ; et, quelques minutes après, ce fut