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LES AVENTURIERS DE LA MER


si lourd, que souvent nous désespérions qu’il pût jamais s’élever de nouveau. L’alarme était à bord, et il fut très difficile de maintenir chacun à son poste. Vers midi, nous orientâmes la misaine, et nous marchâmes vent arrière à sec, en même temps que nous unissions tous nos efforts pour vider avec les pompes et les seaux, l’eau qui remplissait le bâtiment : mais ce fut en vain…

« Vers neuf heures du soir, on coupa le grand mât pour alléger le bâtiment, et l’empêcher de couler bas, au moins jusqu’au lendemain ; mais par malheur, ce mât tomba sur le pont, et, dans la confusion que cet accident occasionna, les hommes placés au gouvernail laissèrent le bâtiment présenter le travers à la lame, et l’eau entra de tous côtés. Un peu après, le bâtiment arriva de toute la ligne du vent, et s’arrêta aussitôt : la secousse soudaine qu’il donna nous fit penser qu’il coulait à fond ; mais il ne s’enfonça plus dès que le pont fut sous l’eau. Tout le monde grimpa dans les haubans, s’élevant de plus en plus haut, à mesure que les lames qui se succédaient, submergeaient plus profondément le navire. »

Cependant le bâtiment ne coula pas à fond, comme tout l’avait fait craindre, et une grande partie de l’équipage et des passagers passèrent vingt jours dans la plus horrible situation, endurant toutes les souffrances, ayant recours, pour soutenir leur misérable existence, aux moyens odieux que la faim suggère aux survivants de ces catastrophes : dépecer et manger les morts. Les courants finirent par porter la Junon à la côte birmane (1795).

À la suite d’une tempête, le navire américain l’Hercule qui avait quitté l’Indoustan, ayant à son bord un chargement de riz pour Londres, se trouva à deux cents lieues de la côte orientale d’Afrique, avec plusieurs voies d’eau dans ses flancs. Tout ce qu’on fit pour lutter contre l’invasion de la mer, ne put que retarder le moment de la catastrophe. Il fallut gagner le littoral africain et s’estimer heureux d’échouer : c’était non loin de l’endroit où le Grosvenor avait péri en 1782, et lorsque le capitaine Benjamin Stout se trouva en communication avec les Cafres, il constata que le souvenir du naufrage du Grosvenor était encore très présent à l’esprit des indigènes. Il apprit que le capitaine Coxon et la plupart de ses hommes avaient été tués en s’opposant à ce qu’un des chefs cafres emmenât à son kraal deux femmes blanches, passagères du Grosvenor.

Une voie d’eau, occasionnée par de très mauvais temps subis, faillit