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LES AVENTURIERS DE LA MER


qui, sous l’influence du vin, pouvaient à grand’peine prendre leur rang et s’occuper de la manœuvre.

Tous les chevaliers embarqués sur le vaisseau de Thomas le pressaient de rejoindre la flotte royale qui depuis longtemps fendait la mer. Mais lui, se fiant à son habileté et à la vigueur de ses hommes, promettait audacieusement de devancer tous ceux qui étaient partis avant lui.

Il donne enfin le signal : aussitôt les rameurs font force de rames et l’aveugle pilote prend sans hésitation à travers les écueils du raz de Catteville. Là il heurte un énorme rocher, que chaque jour le flux et le reflux de la mer couvre et découvre, et le flanc gauche de la Blanche-Nef s’entr’ouvre béant, menaçant le navire d’une prompte submersion. Un seul cri s’échappe de toutes les poitrines, cri de détresse aussitôt noyé dans la mer, mais qui avait été entendu du rivage.

Seuls, deux naufragés, un boucher de Rouen, nommé Bérold, et le jeune Godefroid, fils de Gilbert de l’Aigle, réussissent à s’emparer de la grande vergue du navire et y restent suspendus une partie de la nuit. À un moment apparaît auprès d’eux un homme qui surnage : c’est le pilote Thomas. Il aperçoit les deux naufragés. Qu’est devenu le fils du roi ? leur demanda-t-il. Et apprenant qu’il a péri avec toutes les personnes de sa suite : Malheur à moi, s’écrie-t-il, je ne mérite pas de vivre plus longtemps. Il ne fait plus aucun effort et s’abandonne à la mer.

Les deux naufragés s’encourageaient mutuellement. La nuit était glacée : le jeune Godefroid ne put résister davantage ; à bout de forces, il lâche la vergue et se laisse couler à fond. Et Bérold, le plus pauvre de tous, seul de tous ses compagnons, échappa à la mort et fut recueilli le lendemain par des pêcheurs. Ce fut par lui que l’on connut certains détails du naufrage.

En 1586, le vaisseau portugais le Sant-Jago, monté par l’amiral Fernando Mendoza, fut conduit par impéritie sur les écueils appelés Baïxos de Juida, à soixante-dix lieues des côtes orientales de l’Afrique.

Cent ans plus tard, en 1686, un vaisseau portugais de trente canons, amenant en Europe une ambassade du roi de Siam, envoyée au roi de Portugal Pierre II, fit naufrage sur un récif près du cap des Aiguilles, à l’extrémité de l’Afrique australe. Le Jésuite Tachard a écrit sous la dictée d’un mandarin siamois, Doccum Chamnan, la relation de ce voyage.