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LES AVENTURIERS DE LA MER


Le vaisseau est emporté hors de sa route ; le vent souffle du sud-ouest avec une impétuosité redoublée. On serre les huniers ; on amène les vergues de perroquets ; la mer brise avec furie sur le bâtiment. Il n’y a plus d’espoir de voir le temps se radoucir ; au coucher du soleil, tout fait pressentir que la nuit sera terrible. Il s’élève une discussion sur la manière de serrer la grand’ voile. On prend des ris dans les basses voiles ; une vague énorme s’élève ; elle menace de tout engloutir. — Tenez-vous ferme ! crie-t-on à bord. La masse d’eau retombe et enfonce à moitié un des côtés du vaisseau. — Huit des matelots placés sur la grande vergue sont emportés ; c’est en vain qu’on tente de les sauver.

On sonde les pompes, on trouve cinq pieds d’eau dans la cale. Les pompes mises en mouvement, l’impossibilité de franchir la voie d’eau est bientôt reconnue. Les côtés du vaisseau surchargés du poids de quelques canons semblent prêts à s’entr’ouvrir ; on jette l’artillerie à la mer. Le bâtiment est un peu allégé ; mais la fureur des vagues le couvre sans cesse d’un déluge d’eau. Les éclairs sillonnent les nues ; le désespoir commence à s’emparer de l’équipage. Sous le vent sont des écueils contre lesquels on tremble d’être brisé. On se décide à faire vent arrière. La voile d’étai de misaine est déchirée en pièces aussitôt que hissée, toutes les voiles de l’avant sont serrées, le mât d’artimon coupé.

Le navire fatigue beaucoup. En longeant les roches, on aperçoit un phare ; les éclairs, le tonnerre, la grêle, la pluie ajoutent à l’horreur de la nuit. Au point du jour, on découvre le rivage de l’Attique. Un éclair aveugle le timonier ; le vaisseau, que l’on ne peut plus gouverner, est jeté de travers à la côte. Le beaupré, le mât de misaine, le grand mât de hune sont emportés ; le bâtiment est poussé contre un rocher, est entr’ouvert à une première secousse ; une seconde l’engloutit. Cinq personnes essayent de se sauver sur les débris du mât de misaine, quatre sont noyées ; la cinquième arrive à terre et y trouve un ami expirant. De tout l’équipage trois personnes seulement survivent au naufrage, que l’une d’elles racontera en un beau poème.

C’est encore le Nautile, corvette anglaise détachée de l’escadre des Dardanelles, qui échoue sur un rocher de l’archipel, non loin de Cerigotto. C’était par une nuit noire sillonnée d’éclairs et fouettée par un grand vent. La mer mit promptement en pièces la corvette. L’équipage se réfugia dans les haubans. Son unique espoir était que le mât venant à tomber, on pourrait s’en servir pour arriver jusqu’à un petit rocher peu éloigné. Cet espoir se réalisa. Mais le rocher était étroit, bas et envahi