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LE TOUR DE FRANCE D’UN PETIT PARISIEN

quoi : ils l’auraient battu ! Ils s’animaient en conscience, gesticulaient, appliquaient des coups de poing sur la table ; si bien que les conversations particulières ne furent plus qu’un chuchotement et que peu à peu la table se vida Maurice et Jean se demandaient jusqu’à quel point les trois méridionaux se prêteraient à l’indiscrète fantaisie de sir William.

— Vous autres d’abord, criait le Gascon d’Auch, en foudroyant du regard ses deux adversaires, — car ils avaient pris une position telle vis-à-vis l’un de l’autre vous dites une « troupe» de mensonges, que ça fait trembler ! Et puis je ne suis pas ici pour écouter vos « remonstrances. quand je dis que nous reposons sur les dernières pentes des Pyrénées, il est certain que j’entends parler de mon département du Gers et non pas de moi et de mes amis. Figurez-vous, milord, que notre beau département est couvert de chaînes de collines peu élevées et disposées comme les branches d’un éventail ouvert. Là ! vous voyez ça ? Sur ces hauteurs, nombre de vieux donjons se dressent encore qui vous donnent une fière idée du temps passé, et de nos barons à rapières.

» Nous avons plusieurs rivières, monsieur, le Gers, naturellement, qui nous traverse du sud au nord, la Baïse, la Gimone, la Save, la Losse, l’Adour, l’Arros, la Nidou, la Douze ; la Baïse est même navigable. Si le sol des collines et des coteaux est peu fertile, en revanche les bonnes terres du fond nous donnent du beau blé, et qui n’a pas la jambe courte, de belles récoltes de maïs, d’orge, d’avoine, des légumes en veux-tu ? en voilà, et du lin et des fruits excellents, surtout des « arbricots. » La partie la plus fertile et la plus riante est celle qu’arrosent les eaux de l’Adour, dans le voisinage des Hautes-Pyrénées, des Basses-Pyrénées et des Landes. Que je vous dise encore : nous avons dans nos prairies des bêtes à cornes, d’une petite espèce, c’est vrai, mais beaucoup de moutons ; peu de chevaux, c’est encore vrai ; mais des chevaux pleins de vigueur, malgré qu’ils soient petits, et puis des ânes et des mulets en quantité.

Le bourgeois de Montauban ne put réprimer un sourire.

— Il n’y a pas de quoi rire, observa le susceptible Auscitain, parce que je parle en bien de nos ânes et de nos mulets. Nous élevons aussi une quantité de volailles, surtout de oies et des canards, pour les patés de foie. Et nos vins donc ? Nous possédons plus de cent mille hectares de vignobles. Demandez à ces messieurs s’ils oseront nier que nos vins de Mazère et de Vertus…

— N’aient des vertus et même des qualités ? interrompit le marchand de fruits secs en achevant la phrase.