Page:Améro - Le Tour de France d’un petit Parisien.djvu/416

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XIII

Jean vaincu

Jean, un peu calmé par le mouvement qu’il s’était donné en Flandre grâce à l’insistance de l’ami Quentin, avait repris le chemin de Paris, ne rapportant de la foire de Lille que bien peu de livres non vendus. Aussi le libraire qui l’employait, content de ses services, lui promit-il de confier à ses soins une opération du même genre, mais plus importante, lors des fêtes de l’année suivante.

Cette promesse fut accueillie par le petit Parisien avec une gratitude limitée. On parlait d’une année ? qui sait ce qui arriverait dans le cours de cette année ? Ah ! qu’il serait loin sans doute de la librairie du quai des Grands-Augustins ! C’en était fait ; il ne pouvait plus vivre ainsi. Il sentait de semaine en semaine son découragement lui revenir.

L’hiver parisien, pluvieux cette année-là, le trouvait bien triste, bien abattu… Quels itinéraires lugubres, ces retours de chaque soir à la maison de l’oncle Blaisot, dans le faubourg Saint-Antoine, en prenant par des quais et des ponts noyés dans la brume froide ! Toujours l’ouvrier ébéniste avait oublié de s’occuper du dîner, et c’est Jean qui en réunissait les éléments chez les petits restaurateurs du voisinage. À la dernière bouchée l’oncle Blaisot s’endormait, et Jean préférait encore se trouver en tête-à-tête avec ce ronfleur émérite que de jouir de sa conversation idiote d’alcoolisé.

Il semblait au pauvre garçon que toute l’animation, toute la vie fussent réfugiées en un seul endroit du monde : la région du Nord qu’il venait de quitter, emportant dans ses oreilles les cris de joie, les chansons, les détonations, les fanfares de la fête ; et ses yeux demeuraient éblouis par la profusion